Carmen, de Georges Bizet
Tout a été dit, écrit, théorisé sur Carmen. Ce chef-d’œuvre est sans aucun doute le plus populaire des opéras. Ses « tubes » font encore aujourd’hui partie de l’inconscient collectif et la figure même de Carmen enflamme toujours autant les imaginations.
Il est difficile aujourd’hui de sortir de l’imagerie populaire d’une Carmen bohémienne aux grands cheveux longs lisant la bonne aventure. Mais ce personnage qui traverse les siècles depuis sa création représente et raconte bien plus que l’image d’Epinal qu’elle véhicule.
Notre Carmen sera traitée comme une figure féminine et féministe qui se bat pour sa liberté et plus encore : pour LA liberté.
Insoumise, indépendante et fascinante de par ses choix et ses combats, Carmen nous apparaîtra comme une véritable guerillera. Et c’est sous cet éclairage ô combien présent dans l’oeuvre de Bizet, mais moins exploité d’habitude à la scène, que nous donnerons notre vision de cet opéra.
Notre version transpose l’action au sein d’une dictature militaire en Espagne qui pourrait rappeler le franquisme, notre Carmen et ses compagnons des montagnes deviennent des résistants, des guerilleros qui cherchent à renverser l’ordre établi.
Carmen, dans cette quête, va essayer de détourner Don José de cette dictature qu’il sert pour l’emmener rejoindre les résistants dans les montagnes. L’amour y rejoint la politique et devient un combat hélas perdu d’avance pour Carmen. Le corps à corps charnel devient un corps à corps politique, où l’idéalisme de Carmen se brisera au dévouement de Don José à l’armée et au pouvoir qu’il sert. Elle veut en faire un héros, il ne se révèlera à ses yeux qu’un amoureux transi incapable d’être à la hauteur de l’idéal de Carmen. Cette déconvenue la mènera à sa propre mort.
Dans un décor de palissades qui figureront à la fois les murs de la caserne, le campement dans la montagne et enfin une arène, la danse et les combats occuperont une part importante dans la mise en scène et évoqueront l’aspect épique de cette fresque d’où émane le drame intime, marque des plus grandes histoires !
NED GRUJIC, NOTE DE MISE EN SCÈNE
SYNOPSIS
Acte I
L’intrigue se passe à Séville, en Espagne. Devant la caserne des dragons d’Alcala, le brigadier Don José, fiancé à la jeune Micaëla, est apostrophé par Carmen, une sulfureuse bohémienne qui travaille à la manufacture de tabac. Celle-ci lui jette une fleur après avoir entonné la Habanera. À la suite d’une altercation entre cigarières, Carmen est arrêtée par Don José, qui est chargé de la surveiller et de l’escorter jusqu’à la prison. La jeune bohémienne séduit le brigadier et lui promet l’amour s’il la laisse s’évader. Envoûté, Don José la libère et, sachant qu’il la retrouvera deux mois plus tard comme ils l’ont convenu, se laisse emprisonner pour avoir manqué à son devoir.
Acte II
Deux mois passent. Dans la taverne de Lilas Pastia, qui est aussi un repaire de contrebandiers, Carmen attend Don José, désormais libre. Le toréador Escamillo, un homme fier et adulé par la foule à cause de ses victoires, essaie de la séduire. Carmen ne se laisse pas impressionner par ses avances et le toréador promet d’attendre son amour.
De son côté, Don José est tiraillé entre son engagement envers Micaëla et l’amour irrépressible qu’il éprouve pour Carmen. Cette dernière entame pour lui une danse fiévreuse puis le raille lorsqu’il essaie de rentrer à la caserne à l’heure du couvre-feu, arguant qu’il ne l’aime manifestement pas suffisamment et donc qu’elle ne l’aime pas non plus. Don José tombe à ses pieds et lui avoue finalement sa passion.
Le Dancaïre et le Remendado, des amis contrebandiers de Carmen, proposent à la jeune femme et à deux de ses compagnes, Mercédès et Frasquita, de les rejoindre dans une nouvelle affaire qui leur promet richesse et liberté. Carmen tente de convaincre Don José de les suivre, puisque c’est la seule manière de pouvoir vivre leur amour au grand jour, mais celui-ci hésite. Après une altercation avec son supérieur le Lieutenant Zuniga, qui était retourné à la caserne dans l’espoir de parler à Carmen, Don José se retrouve obligé de suivre les contrebandiers.
Acte III
Don José, maintenant déserteur, a suivi les contrebandiers dans les montagnes pour rester auprès de Carmen mais semble mal vivre ce revers de carrière. Il se montre de plus en plus possessif envers la belle, qui n’apprécie pas du tout son changement de comportement. Les disputes entre les amants deviennent fréquentes, Carmen reprochant à Don José une jalousie maladive qui l’étouffe et entrave sa liberté. En tirant les cartes, la bohémienne apprend que sa liaison avec l’ancien brigadier la mènera à la mort.
Micaëla, qui n’a pas reçu de nouvelles de Don José depuis un moment, décide de quitter leur campagne natale et part à la recherche de son fiancé.
Parallèlement, Don José croise la route d’Escamillo, parti lui aussi en quête des contrebandiers pour retrouver Carmen dans l’espoir de la courtiser. Les deux hommes s’engagent dans un combat, finalement arrêté par Carmen et le reste des contrebandiers. Escamillo s’en va après avoir promis de continuer à faire la cour à la bohémienne, laissant derrière lui un Don José fulminant.
Micaëla apparaît ensuite et supplie le jeune homme de rentrer avec elle, car la mère de celui-ci est mourante. Carmen intervient et lui conseille de la suivre. Don José, après un accès de colère lors duquel il accuse Carmen de vouloir se débarrasser de lui pour courir dans les bras d’Escamillo, cède aux suppliques de son ancienne fiancée et finit par retourner dans son village natal.
Acte IV
Retour à Séville. Carmen a rompu avec Don José et jouit désormais des faveurs d’Escamillo. L’ancien brigadier, hagard depuis qu’elle l’a quitté, ne cesse de la suivre dans l’ombre et épie avec jalousie sa nouvelle idylle avec le toréador. Il finit par confronter Carmen aux portes de l’arène où Escamillo s’apprête à donner un combat et la supplie de revenir auprès de lui. La bohémienne, qui tient à sa liberté, ne cède pas à ses avances : plutôt mourir que céder ! Furieux de la voir insensible à ses suppliques et éprise d’un autre homme, Don José la poignarde dans un accès de rage. Revenu à lui alors que l’arène enthousiaste célèbre la victoire d’Escamillo, Don José contemple avec horreur le corps sans vie de Carmen gisant dans ses bras. Après avoir avoué son crime à la foule sortante, il finit par se laisser arrêter.
DISTRIBUTION
Direction artistique et musicale : Laurent BRACK
Mise en scène : Ned GRUJIC
Assistante mise en scène : Laura DUPONT
Scénographe : Danielle ROZIER
Combat de : Christophe MIE
Chorégraphies par le Collectif de l’ECM : Rebecca BLARDONE, Louis BUISSET, Candice CHEVILLARD, Simon GALLANT, Sophie GIRARDON, Léa GRIGNON, Lola JUBAULT, Franck LABBÉ, Sophie MAKSIMOVIC, Clément MALET, Sacha POITEVIN, Catherine SALAMITO, Charles SCHMITT, Julien WOLF
Carmen – mezzo-soprano : Cristelle GOUFFÉ
Don José – ténor : Xavier FLABAT
Micaëla – soprano : Mathilde LEMAIRE
Escamillo – baryton : Aurélien GASSE
Moralès – baryton : Antoine FOULON
Frasquita – soprano : Inés LORANS
Mercédès – mezzo-soprano : Roxane PARADINAS
Le Dancaïre – rôle parlé : Louis BUISSET
Le Remendado – rôle parlé : Sacha POITEVIN
Zuniga – rôle parlé : Simon GALLANT
Andrès – rôle parlé : Charles SCHMITT
Lilas Pastia – rôle parlé : Franck LABBÉ
Un guide – rôle parlé : Clément MALET
Chef d’orchestre : Laurent BRACK
Chef de chœur : Samuel LISON
Chœur et Orchestre : Sein’Opéra
Chœur des enfants : la CHAM (Classe à Horaires Aménagés Musique) de Courbevoie
Directrice de production : Mariène GIACOMOTTO
Assistante de production et Chargée de diffusion : Madeleine PAUX
Directeur technique et régisseur général : Vezio COSSIO
Avec la participation de l’équipe technique de CourbevoiEvent :
Régisseur général (CEC) : Pascal BOULLE
Régisseur adjoint (CEC) : Yann BATIFOIS
Ingénieur du son (CEC) : Fabien AUMENIER
Assistants son (CEC) : Loïc DESPRAIRIES, Maurane MAILLARD
Régisseur de scène (CEC) : Xavier-Louis BOURCIER
Création et régie lumières : Alexandre DELABIE
Stagiaires régie et technique : équipe formée par la Mission Locale Rives-de-Seine — Augustin COEPLET, Lolita DE OLIVEIRA, Valentin DUMONT, Igor ETOA, Roxane JUILLOT, Patrick LESCURE, Marine MELAY
Décors : Lycée de Prony (Asnières-sur-Seine)
Costumes :
Robe de Carmen : Lycée Louise Michel (Nanterre)
Costumes du chœur adulte : Atelier couture formé par la Mission Locale Rives-de-Seine — Jade CAILLERET, Victor LYKY, Léa VAZ
Costumes du chœur des enfants : Lycée Polyvalent Jules Verne (Sartrouville)
Maquillage : Lycée Vassily Kandinsky (Neuilly-sur-Seine), IFPM — Institut de Formation et Perfectionnement aux Métiers (Nanterre)
Coiffure : IFPM — Institut de Formation et Perfectionnement aux Métiers (Nanterre)
Accueil et promotion : Lycée Paul Painlevé (Courbevoie)
GEORGES BIZET
Georges Bizet, né Alexandre-César-Léopold Bizet le 25 octobre 1838 à Paris et mort le 3 juin 1875 à Bougival en Seine-et-Oise, est un compositeur français de la période romantique. Il est surtout connu pour ses opéras et suites orchestrales, parmi lesquels se trouve Carmen, l’un des opéras les plus joués au monde. Ses œuvres sont réparties sur une courte période puisqu’il meurt prématurément à l’âge de 36 ans.
Fils unique, il montre très tôt des dons pour la musique et entre au Conservatoire de Paris à l’âge de 9 ans dans la classe de piano d’Antoine et François Marmontel. Il intègre par la suite la classe d’orgue de François Benoist et la classe de composition de Fromental Halévy, auteur de nombreux opéras et qui a compté Charles Gounod ou encore Jacques Offenbach parmi ses élèves.
À l’âge de 17 ans, en 1855, il compose en un mois sa première symphonie, en ut majeur. En 1857, il remporte avec sa cantate Clovis et Clotilde le prix de Rome de composition musicale, prestigieux tremplin à cette époque pour une carrière de compositeur, et dont la récompense est un séjour de trois ans à la Villa Médicis. Ce séjour en Italie, loin de sa famille, a une importance considérable dans la vie du jeune musicien. Il lui permet de s’épanouir et de s’affranchir des règles strictes imposées par l’école et par sa mère. Le jeune homme y découvre en effet le bonheur de la liberté, la beauté de Rome et de la nature qui l’entoure. Selon l’association Les Amis de Georges Bizet, « le Bizet de Carmen est né en Italie ».
En 1875, après des œuvres à maigre succès et des déboires conjugaux, Bizet s’installe à Bougival pour terminer l’orchestration de Carmen et ainsi honorer cette nouvelle commande de l’Opéra-Comique qui voulait « une petite chose facile et gaie, dans le goût de notre public avec, surtout, une fin heureuse » (cité par les Amis de Georges Bizet). Le livret de Carmen est signé par Henri Meilhac et Ludovic Halévy, d’après la nouvelle éponyme de Prosper Mérimée.
Il faudra toute la ténacité de Bizet et d’Halévy pour convaincre le directeur de l’Opéra-Comique d’accepter cet opéra si différent de ses aspirations. Après trois mois de travail sans répit et 1 200 pages de partition, Carmen, son chef d’œuvre, est enfin prêt à voir le jour.
La première de Carmen, le 3 mars 1875, se révèle être un désastre. Affaibli par des mois de travail acharné et l’enchaînement de plusieurs maladies, Bizet meurt d’un infarctus quelques mois plus tard. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (division 68).
Il faudra attendre 1878 pour que Carmen remporte enfin l’affection du public, grâce à l’interprétation de la cantatrice américaine Minnie Hauk à Bruxelles. Sa manière de chanter très intensive entraîne un succès immédiat et est à l’origine de la renommée durable de l’opéra, qui demeure aujourd’hui l’un des plus joués au monde.
PROSPER MÉRIMÉE
Prosper Mérimée, né le 28 septembre 1803 à Paris et mort le 23 septembre 1870 à Cannes, est un écrivain, historien et archéologue français.
Issu d’un milieu bourgeois et artiste, il fait des études de droit avant de s’intéresser à la littérature et de publier des écrits dès 1825, en particuliers des nouvelles, qui le font connaître et lui valent d’être élu à l’Académie française en 1844.
Proche de l’Impératrice Eugénie, il est nommé sénateur en 1853 et anime les salons de la Cour, par exemple avec sa fameuse dictée en 1857. Il publie alors moins de textes littéraires pour se consacrer à des travaux d’historien et d’archéologue et initiant, à partir de 1842, un classement des monuments historiques.
L’œuvre littéraire de Mérimée relève d’une « esthétique du peu », son écriture se caractérisant par la rapidité et l’absence de développement(s), qui créent une narration efficace et un réalisme fonctionnel adaptés au genre de la nouvelle. Mais ce style a parfois disqualifié les œuvres de Mérimée, auxquelles on a parfois reproché leur manque de relief — « Le paysage était plat comme Mérimée« , écrit ainsi Victor Hugo. Ses nouvelles, qui jouent sur l’exotisme, restent ses œuvres les plus appréciées de l’époque.
Il écrit sa nouvelle Carmen en 1845. Publiée en 1847, elle traite du sujet de la liberté, de l’amour obsessionnel et de la jalousie meurtrière. La nouvelle met principalement en scène les personnages de Carmen et de Don José, dont l’amour passionné pour la belle bohémienne est à sens unique et dont la jalousie maladive conduit au meurtre de cette dernière.
Le livre est divisé en quatre chapitres de longueur inégale et le récit des amours impossibles de Carmen et Don José n’occupe que le troisième chapitre. Le narrateur de ces funestes amours est Don José, à la différence de l’adaptation des librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy pour l’opéra de Bizet, qui, une trentaine d’années plus tard, ont choisi de mettre en avant le personnage de Carmen.
Retour en images sur Carmen !
Crédits photos : Stéphane Parphot